: Notre esprit est-il sale ?
« bien-sûr que non ! » a-t-on envie de répondre … Cela dit, il faut bien reconnaître qu’il y a de quoi se poser la question au vu des dernières parutions… En effet, depuis maintenant presque 2 ans, un nombre impressionnant de bouquins aux titres racoleurs bourgeonnent dans les rayons de nos librairies.
Baise-moi
(Virginie DESPENTES)
Faire
l’amour (François BUSNEL)
Pornocratie
(Catherine BREILLAT)
La
vie sexuelle de Catherine M. (Catherine MILLET)…
Et j’en passe ! À part vouloir transformer la librairie en sex-shop, je ne vois pas très bien où tous ces auteurs veulent en venir !
La
littérature érotique existe, c’est un fait. Les mots glissent et déploient
toute leur volupté pour décrire l’attirance des corps, mêlée à celle des
cœurs. C’est un style littéraire qui a énormément de charme, de richesse,
car rien n’est plus ardu et périlleux que d’exprimer la passion (même physique)
par les mots. Il y a des écrivains qui y parviennent, et d’autres pas.
Des premiers, je vais citer Patrick GRAINVILLE, et un de ses romans en particulier : Le lien (1996). On ne peut pas qualifier son œuvre d’érotique à proprement parler, mais la tournure de ses phrases donne aux choses un aspect sensuel et pulpeux, sans pour autant tomber dans la vulgarité… et c'est justement ce qui donne à ses écrits un caractère érotique.
8
Extrait
: « il s’est couché auprès de moi, sur le lit […]. J’étais neutralisée,
anesthésiée. […] Il n’a pas osé m’embrasser. Il a eu l’instinct d’éviter
le baiser. Cette intimité, ce bouche-à-bouche d’entrée de jeu m’aurait bloquée.
Il a glissé sa main le long de ma cuisse. Tout doucement. […]Mais je n’avais
pas peur. Une amie du lycée m’avait raconté qu’elle redoutait de se fendre,
d’exploser, comme une éventrée. Elle ne voulait pas de ça en elle, de l’objet
étranger. Moi c’est de lui que je ne voudrais pas, de lui en entier. À la
limite, sa chose… ce n’est pas lui, c’est moins que lui, ce n’est qu’une
partie de lui… un bout. »
Des
seconds, vous en avez quelques-uns dans la liste ci-dessus (je précise
que cela reste un avis totalement personnel).
Maintenant que dire de cette nouvelle mode qui pousse les femmes à vouloir faire du « crû » ? Est-ce une nouvelle tendance du féminisme ? Outre la violence des mots de Virginie DESPENTES, c’est surtout le roman de Catherine MILLET qui m’a laissé perplexe : il est ahurissant par les faits qu’elle y décrit sans pudeur (elle passe son temps dans les partouzes, ou à se jeter sur le premier venu qu’il soit beau, moche, vieux, jeune, sale, et
L’étalage de la sexualité ne me dérange pas... lorsqu’elle a un but, une finalité. Dans le dernier numéro, je vous conseillais d’ailleurs un livre : Autoportrait en érection (Guillaume FABERT). C’est bel et bien de la sexualité d’un homme qu’il s’agit mais pas seulement : cet ouvrage est plein de fraîcheur, de passion, d’étonnement, et surtout d’humour ! Le message est simple: l’auteur nous montre que parler de sexe gaiement et sans la moindre amorce de vulgarité est possible. Et il est convaincant.
nous fait part de ses fantasmes maso-scato-zoo-cradophiles) mais surtout parce qu’elle ne met aucune expression, aucun ton dans ses descriptions. Ce ne sont pas tant les termes qu’elle emploie qui dérangent (même si « bite », « chatte », « cul » ne sont pas très distingués dans le vocabulaire d’une femme !) mais c'est plutôt cette absence de sentiments, de réactions, d’enthousiasme qui est choquante. On a plus vite fait de regarder un film porno (au moins, on a les images.
8 De même, beaucoup de lecteurs du Monde ont été choqués à la lecture de la nouvelle offerte en supplément de leur journal favori : Emmanuel CARRERE, dans L’usage du « monde » s’adresse directement à sa femme qui, ce jour-là, doit se trouver dans le TGV Paris-La rochelle de 14h45, et l’invite à toutes sortes de jeux sexuels qui n’excitent qu’eux deux. On apprend entre autres qu’ils n’aiment pas « l’odeur de la peau fraîchement rincée », préférant « qu’on sente la bite, la chatte et le dessous-de-bras », que l’auteur était éjaculateur précoce dans sa jeunesse, et que « les femmes sont nues sous leurs vêtements » (ça c’est du scoop !)… L’idée de départ, faire participer les lecteurs du Monde se trouvant dans le même train à ce scénario érotique avait beau être originale (« lecteur, lectrice, je vous invite, ne restez pas à faire tapisserie, entrez dans la danse : prenez votre exemplaire du monde en signe de reconnaissance et rendez-vous au bar ») elle se termine pitoyablement dans un total moment de délire de l’auteur qui s’imagine toutes les femmes suivant ses instructions et courant aux toilettes, la « culotte trempée » afin de se masturber.
Pour rester dans la lignée des marginaux, le livre de J.P. Otte, La sexualité d’un plateau de fruits de mer, s’adresse aux amateurs de crustacés. Combien d’entre vous, chers lecteurs, savent comment les moules, les étoiles de mer, ou les oursins se reproduisent ? Pour ceux qui sont intéressés par le sujet (on ne sait jamais !) vous y trouverez toutes les réponses à vos questions ! Après tout, si on a l’intention de se réincarner en poisson, autant être renseigné : « quand on est accoutumé aux préliminaires inventifs, à l’échange de caresses et aux contacts multipliés, à toutes les fêtes sensibles de la présence complice de son partenaire, il est préférable de s’abstenir de devenir saumon ».
En guise de conclusion, je vous conseillerai vivement la lecture du premier roman de David Thomas, Girl, qui est plus que surprenant. C'est en effet l'histoire d'un jeune homme de 25 ans, qui a été victime d'une terrifiante équivoque : parti pour se faire opérer des dents de sagesse, il s'est réveillé avec une paire de seins greffée sur le torse et son "service trois pièces" en moins ! Aucun de ses proches ne sait vraiment comment réagir : son père l’appelle "fiston", sa mère lui achète des soutiens-gorges et sa petite amie achève le tableau : "tu sais, Bradley, je ne vois pas trop comment on peut rester ensemble. Je ne suis pas lesbienne ou un truc comme ça, tu vois … On peut toujours être copines. Je te montrerai comment lever un mec !". Autant vous dire que vous n'avez pas fini d'être surpris !
Elvire.